Le groupe de mots démocratie associative n’est pas relevé dans le Trésor de la Langue française, ni à l’article démocratie, ni à l’article associatif. En revanche, sont cités démocratie autoritaire, directe, libérale, parlementaire, représentative, semi-directe, économique et sociale, politique, populaire, chrétienne. L’adjectif associatif est formé sur le verbe associer auquel a été ajouté le suffixe –atif, variante du suffixe -if. C’est un mot récent. Il a une histoire établie. Il est attesté pour la première fois à la fin du XVe siècle, dans un ouvrage savant, au sens de "qui associe", dans cause associative. L’attestation est unique. Pendant quatre siècles, l'adjectif est sorti de l’usage. Il est ignoré de Littré dans son Dictionnaire de la Langue française (seconde moitié du XIXe siècle) et des huit premières éditions du Dictionnaire de l’Académie française (1694-1935). A la fin du XIXe siècle, il est ressuscité comme concept de mathématiques.
Les Académiciens n’y consacrent un article que dans la neuvième édition, en cours de publication, de leur Dictionnaire. Associatif est en usage en psychologie, où il a le sens de "qui procède par association d’idées" comme la mémoire et, en mathématiques, où il signifie "dont le résultat n’est pas affecté par l’ordre dans lequel on réalise l’opération". Ainsi l’addition et la multiplication sont associatives (4 + 2 ou 2 + 4, 7 x 3 ou 3 x 7 donnent le même résultat) ; la soustraction et la division ne sont pas associatives. L’adjectif est aussi en usage dans la langue commune : il signifie alors "qui se rapporte aux associations et à leurs activités". Ainsi, un quartier est animé ou vivant quand la vie associative y est intense. Très étrangement, cet emploi courant d’associatif n’est pas relevé dans le Trésor de la Langue française (1972-1994). Seuls les sens qu’a cet adjectif en mathématiques et en psychologie sont expliqués et illustrés d’exemples.
La démocratie associative est donc, si l’on se fonde sur le sens du Dictionnaire de l’Académie française, la démocratie qui a pour fondement les associations régies par la loi de 1901 qui a établi la liberté d’association. Elle se distingue de la démocratie représentative qui est la règle dans les pays libres depuis un siècle et demi environ et qui est dite représentative, parce que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont confiés à des élus qui tiennent leur mandat et leur légitimité des citoyens qui leur ont délégué leur souveraineté et qu’ainsi ils représentent. Cette démocratie, la seule qui en soit une, est l’objet d’incessantes attaques de la part des partisans des avancées significatives. Qualifiée par mépris de bourgeoise, parlementaire, formelle (elle est censée n’exister que dans les formes et être sans contenu, parce que le vote se fait à bulletin secret et après des débats préalables), elle a été jugée mille fois inférieure à la tyrannie léniniste, parfaite et qui a été affublée tantôt du nom de démocratie populaire, tantôt de démocratie socialiste. Quand il fut avéré que cette démocratie n’était qu’une infâme tyrannie criminelle, la critique a évolué. De bourgeoise, la démocratie honnie s’est muée en représentative. Il lui a été imputé d’innombrables péchés : elle représente surtout les beaux quartiers et les propriétaires au détriment des citoyens les plus pauvres, en particulier les ouvriers de banlieue. De fait, le pays légal ne correspondrait pas au pays réel et la majorité sociologique faite d’ouvriers, d’employés, de jeunes serait condamnée à rester une minorité, dominée bien entendu ou silencieuse. En fait, ces critiques ne font que traduire le ressentiment des progressistes. La démocratie représentative qui leur était défavorable, ils ont rêvé de la remplacer par la démocratie associative.
L’idéologue le plus connu de la démocratie associative est Paul Hirst, auteur d’Associative Democracy, New Forms of Economic and Social Governance (1994). Comme il se doit, il est professeur d’université et américain : c'est donc un prophète de la modernité. Il fait de la démocratie associative une alternative au libéralisme ou au socialisme, également pervers à ses yeux. Elle serait proche des citoyens, même si les associations sur lesquelles elle est fondée n’ont pas de cotisants. Grâce à elle, l’intérêt général n’est plus de la responsabilité du seul État. Les associations forment la société civile, laquelle, par la grâce des associations, s’autogouverne et remplace l’Etat au cœur de la société. Ainsi, on en finit avec la centralisation bureaucratique. Le pouvoir est proche des gens, tout petit, sans arrogance : en un mot modeste.
L’avantage des associations est qu’elles fonctionnent sans adhérents à jour de leur cotisation, avec uniquement de l’argent public détourné de ses fins, et qu’elles peuvent être manipulées, lors d’assemblées générales squelettiques, par trois agitateurs professionnels. Dès 1981, quand les progressistes ont exercé le pouvoir auquel ils aspiraient depuis si longtemps, ils ont prodigué aux associations des aides, crédits, subventions de toutes sortes. Dans un livre publié en 1996 aux éditions Denoël et insolemment intitulé Associations lucratives sans but, Patrick Kaltenbach évalue à 400 milliards de francs le total des subventions, aides, crédits, etc. qui étaient alors distribuées par l’Etat aux associations et qui le sont toujours, sans compter la manne qui tombe des régions, départements, communes et autres collectivités : d’où l’adjectif lucratives dont elles sont qualifiées. Elles n’ont pas d’autre but que le lucre ou le détournement de la volonté populaire au profit de requins.
La démocratie socialiste est une tyrannie, la démocratie associative ne vaut pas mieux. Pour être influentes, les associations n’ont pas besoin d’autres adhérents que ceux qui les dirigent et elles n’existent qu’avec les subventions qu’elles perçoivent. N’ayant que des dirigeants qui se cooptent ou s’auto-élisent, elles sapent la démocratie. Elles se muent en groupes de pression, lobbies, forces occultes, sociétés secrètes ou en mafias, lesquelles sont plus promptes à s’associer que n’importe qui. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le premier parti de France soit formé de citoyens qui s’abstiennent aux élections et que les partis qui exercent le pouvoir depuis un quart de siècle regroupent moins d’un tiers des électeurs inscrits. La démocratie socialiste et la démocratie populaire n'ont pas pu abattre la démocratie : les "associations lucratives sans but" mais avec subventions y ont réussi. La raison d’être de la démocratie associative, à savoir écarter les citoyens de l’exercice du pouvoir, est effective.
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