Un texte intitulé «
Les dix stratégies de manipulation de masses » (
http://www.pressenza.com/npermalink...) et attribué à Noam Chomsky circule abondamment sur le net ces jours-ci. Par ailleurs, on voit déjà, en réponse à ce texte, des critiques de Chomsky comme « adepte de la théorie du complot », dans la « grande » presse (1).
Le 10ème principe reflète d’ailleurs bien les fantasmes, fréquents dans l’extrême gauche, sur la connaissance que le « système » aurait de l’individu moyen grâce à « la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée », ce qui est très différent de ce que pense Chomsky, qui sait que la connaissance (vraiment) scientifique de l’être humain est extrêmement limitée.
Comme ce texte me semblait être une simplification et une déformation de sa pensée, et que je ne trouvais pas son équivalent en anglais, je lui ai posé la question, pour en avoir le coeur net. Voici sa réponse : «
Je n’ai aucune idée d’où cela vient. Je n’ai pas fait cette compilation moi-même, je ne l’ai pas écrite ni mise sur le web. Je suppose que celui qui l’a fait pourrait prétendre que ce sont des interprétations de ce que j’ai écrit ici ou là mais certainement pas sous cette forme ni en tant que liste. »
Le succès apparent de ce texte illustre bien la mauvaise compréhension de la pensée de Chomsky à propos de la « manipulation », à la fois chez certains de ses partisans et de ses adversaires. Lui et Ed Herman, co-auteurs de
La fabrique du consentement (ed. Agone, 2008) ne suggèrent jamais qu’il y a quelque part une organisation cachée qui « manipule les masses ». Ils montrent qu’il existe un certain nombre de filtres, liés à la propriété privée des médias, à nécessité de la publicité, à l’action de groupes d’influence etc., qui ont pour résultat que la vision du monde véhiculée par les médias est extrêmement biaisée, mais tout cela fonctionne un peu comme l’idéologie chez Marx, un processus sans sujet.
Curieusement, il est d’une certaine façon rassurant de penser qu’il existe des manipulateurs conscients qui, parce qu’ils le dirigent, savent au moins où va le monde. Malheureusement, il y a bien des relations de pouvoir, des mensonges et des biais idéologiques, mais il n’y a pas de pilote dans l’avion.
Jean Bricmont
http://www.legrandsoir.info/A-propos-des-dix-strategies-de-manipulation-de-masses-attribue-a-Noam-Chomsky.html
1/ La stratégie de la distraction
Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions
Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.
3/ La stratégie de la dégradation
Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.
4/ La stratégie du différé
Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.
5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge
La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…
7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité
Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…
9/ Remplacer la révolte par la culpabilité
Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution!…
10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes
Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.
L’ordre et le chaos
Mercredi 6 octobre 2010
Ça va mal finir
Thomas Gunzig Ecrivain
Depuis quelques jours, il y a un lien qui tourne sur Facebook : une sorte de « digest » d’un texte de Noam Chomsky.
Bon, Noam Chomsky, c’est le profil même de l’intellectuel ultra-baraqué, une pointure, une référence, le type qu’on aimerait avoir comme grandoncle pour l’inviter, une fois par mois, à manger de la tarte pour l’écouter parler de linguistique, de philosophie ou de politique. C’est le genre de type qui a dû réfléchir en un demi-siècle plus que je ne pourrais le faire en un demi-millénaire.
J’ai donc lu avec attention les extraits de textes publiés sous le titre :
Les dix stratégies de la manipulation de masse. Un ensemble de réflexions ou de constats sur ce que pourrait être le contrôle social. A première vue, c’est pas mal vu, c’est séduisant, cela met des mots précis sur des sentiments vagues que chacun d’entre nous peut avoir un jour ou l’autre :
– Stratégie de la distraction, par laquelle on détourne l’attention du public.
– Créer des problèmes et puis offrir des solutions (afin que le public soit lui-même demandeur de « mesures qu’on souhaite lui voir accepter »).
– S’adresser au public comme à des petits enfants.
– Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion.
– Remplacer la révolte par la culpabilité.
– Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.
– La « Stratégie de la dégradation » (consistant à appliquer les mesures inacceptables très progressivement).
– La stratégie du différé : consistant à faire accepter un sacrifice futur, plutôt qu’un sacrifice immédiat…
Ça sonne bien, ça a l’air bien… Mais quand j’ai lu ça, ça m’a fait comme un petit caillou dans ma chaussure : un sentiment d’inconfort…
Ce qui me gênait, c’était le présupposé d’un plan général, c’était le lien indirect mais évident à l’idée de « complot mondial » à laquelle je ne suis jamais parvenu à adhérer. Mettez un pied là-dedans, et vous n’en sortirez pas : en acceptant l’idée de manipulation (qui est, dans une certaine mesure, fondée), on glisse de site en site, d’article en article, de forum en forum, vers l’éternelle démonstration qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le World Trade Center, sur les rumeurs d’intégration forcée de « puces sous-cutanées », sur les démonstrations de la toxicité des « chemtrails », sur des avis éclairés concernant l’existence de la Base 51, ou encore sur la domination universelle des Illuminati.
Je ne suis jamais parvenu à croire à l’existence d’un grand complot mondial, de la même façon que je n’arrive pas à me faire à l’idée d’une grande manipulation savamment orchestrée par des réseaux qui nous dépassent.
Quand je regarde le monde, je ne vois qu’un grand bordel, la chambre mal rangée d’un enfant perturbé. Que je me retourne sur l’Histoire, je n’y vois qu’une accumulation de braquages ratés, de rêves, d’ambitions, de fantasmes, de désirs entrant en collision les uns avec les autres et au final, s’annulant à plus ou moins long terme. En un mot, ce bon vieux cliché shakespearien de l’histoire humaine : «
Un récit raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien. »
Cela dit, ça ne me fiche pas moins la trouille qu’un grand complot.
Bien au contraire.
Selon Gurdieff, l'homme ordinaire est constamment dans un état d'inconscience analogue au sommeil, il n'est qu'une machine qui ne contrôle ni ses actes ni ses pensées. Pour s'éveiller, il faut comprendre que l'on ne sait rien de soi-même et que le rappel de soi est la première étape vers le véritable éveil.
Gurdieff classe les hommes en quatre groupes :
- le cercle intérieur qui réunit les humains éveillés
- le cercle mésotérique qui regroupe les humains "théoriquement" éveillés
- le cercle exotérique qui regroupe les humains qui se réveillent
- le cercle extérieur qui regroupe les humains endormis
Contre-mesures
Les règles d'Alynski
En 1970, Saul Alynski, provocateur hippy, publiait un manuel énonçant des règles tactiques pour survivre en société ou pour la combattre :
le pouvoir n'est pas ce que l'on a mais ce que les autres croient que l'on a
il faut sortir du champ d'expérience de son adversaire, il faut inventer de nouveaux terrains de lutte
il faut combattre son ennemi avec ses propres armes. Utiliser les éléments de son propre livre de référence pour l'attaquer
l'humour est l'arme la plus efficace, si on ridiculise ou si on pousse son adversaire à se ridiculiser, il lui est plus difficile de se battre
une tactique ne doit jamais devenir une routine
il faut maintenir l'adversaire en état de défense
ne jamais bluffer si on n'est pas capable de passer aux actes
- les handicaps apparents peuvent devenir des atouts
- si l'on obtient la victoire, il faut être capable de l'assurer et d'occuper le terrain durablement. Sinon, il vaut mieux abandonner
- il faut focaliser sa cible et ne plus en changer durant la bataille. Ne jamais courir deux lièvres à la fois.